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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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La -sociologie des organisations-

Par touches successives, Michel Crozier yait ainsi se dessiner la matière d'une nouvelle représentation du -phénomène bureaucratique-, où la logique des gens en arrivait finalement A  recomposer de fond en comble la logique supposée du système. Une autre contribution américaine, plus tardive et plus proprement conceptuelle que ne l'étaient tous ces travaux en prise directe sur l'ethnographie de la grande organisation, vint conforter cette nouvelle représentation. Ce fut celle de James G. March et de Herbert A. Simon (futur Prix Nobel d'économie), co-auteurs en 1958 d'un formidable ouvrage de synthèse sur les organisations considérées comme systèmes d'échange, de décision et d'action (March & Simon, 1958).
L'apport le plus original de cet ouvrage est resté sous le nom du principe de -rationalité limitée- des acteurs dans les organisations. James G. March et Herbert A. Simon reprenaient A  leur compte le constat que les organisations bureaucratiques souffraient de dysfonctions, et la thèse selon laquelle ces dys-fonctions devaient s'interpréter sur la base d'une analyse des interactions qui intervenaient entre les membres du système. Pour rendre compte de ces dysfonctions, ils identifiaient cependant une explication A  la fois totalement nouvelle et empreinte d'un très grand bon sens : A  supposer qu'on ait pu neutraliser tous les arguments antérieurs et qu'il ait été raisonnable d'imaginer des -fonctionnaires- intégralement déués aux buts officiels de leur entreprise, aurait-on pour autant fait retour sur un type idéal de bureaucratie fonctionnant A  plein régime et débarrassé de ses malheurs? La chose était douteuse. A suivre March et Simon, cela tenait A  la situation cognitive dans laquelle se trouvait n'importe quel membre de n'importe quelle organisation complexe.
En effet, quiconque posait un acte, prenait une décision dans ce type de système le faisait sans air A  sa disposition la totalité des informations qui lui auraient permis d'adopter un comportement vraiment rationnel. Pour que l'action entreprise fût vérilement rationnelle, il n'aurait d'ailleurs pas suffi que son auteur maitrise parfaitement les règles, la mémoire et les dossiers de l'organisation : il aurait été également nécessaire ' hypothèse désespérée, mASme avec l'ordinateur le plus puissant ' qu'il puisse dresser A  l'avance un pronostic exact sur les réactions de ses collègues et de ses chefs A  la décision prise, et sur les effets finalement produits par celle-ci. Ce constat menait-il au chaos? Anéantissait-il tout espoir de distinguer les bonnes décisions des mauvaises? On n'en était pas lA . Il était mASme possible de sauver du naufrage l'idée que les acteurs pussent adopter des comportements -rationnels- pour peu qu'on ait redéfini le qualificatif. Dans les circonstances ordinaires de sous-information et d'incapacité d'anticipation où les acteurs se trouvaient, il devenait en effet strictement -rationnel- qu'ils agissent comme chacun l'a toujours fait dans les situations compliquées : en éliminant de leur champ cognitif ce qu'ils ne pouvaient pas maitriser; en simplifiant A  partir de lA  les données du problème A  résoudre et, ainsi disposés, en se saisissant pour agir de la première solution qui leur parût satisfaisante.
Tel était le principe de rationalité limitée, en définitive applicable A  toute action, A  tous les niveaux des organisations complexes. Y avait-il dans cette affaire quelque caractéristique particulière A  énoncer A  propos du système bureaucratique proprement dit? Une caractéristique au moins, A  greffer sur les analyses de Philip Selznick concernant le cloisonnement de ce type d'organisation. Eu égard A  ce qui précède, la segmentation interne de la bureaucratie avait en effet ceci de fonctionnel qu'elle contribuait A  conférer une plus grande légitimité aux décisions -sous-optimales- suscitées en vertu du principe de la rationalité limitée. Pour quelle raison aurait-on reproché A  un instituteur ou A  un chef de bureau lambda de garder l'oil vissé sur le respect d'une consigne un peu courte (comme peuvent l'AStre les sanctions standardisées, les règlements d'horaire ou le reni des problèmes compliqués A  l'échelon supérieur) si la règle formelle du système, le confort personnel des intéressés et la logique ultime de la situation se conjuguaient pour les dissuader de chercher des alternatives, par nature incertaines, A  un tel comportement?
Le concept de la rationalité limitée achevait de ter le décor dans lequel Michel Crozier allait pouir dérouler ses propres analyses. Il engageait en particulier dans un nouveau cours la réflexion introduite par Merton sur les dysfonctions A  l'ouvre dans les grandes organisations modernes, non sans renouer d'une certaine faA§on avec les thèses de Y équilibre plutôt caractéristiques de l'ouvre de Talcott Parsons. Le comportement de notre chef de bureau lambda était-il fatalement constitutif d'un processus dysfonctionnel? Au minimum fallait-il convenir du fait que la dysfonction n'était pas première : de faA§on instantanée, ce qui était donné A  ir était une situation où les structures et les comportements se répondaient de faA§on logique, -rationnelle-. Ainsi les dysfonctions méritaient-elles d'AStre réhabilitées, c'est-A -dire considérées plutôt comme des fonctions latentes. Elles n'étaient plus les tares d'un système qui serait en lui-mASme resté rationnel, mais -les éléments eux-mASmes rationnels- d'un système tendant simplement A  l'équilibre (Crozier, 1963, p. 237).
Dans ce décor, il n'y avait plus A  proprement parler de -modèle d'organisation -, au sens des théories x, y ou z précédemment équées. Les théories de la contingence y avaient elles-mASmes trouvé par avance leurs limites : la question de fond n'était pas celle des corrélations A  élir entre l'organisation et son environnement pour que celle-ci fût efficace, car le cadre dans lequel était saisie l'organisation associait de faA§on dynamique les structures et les comportements. Allons plus loin : si l'on prenait en compte la conversion conceptuelle proposée par March et Simon, la proposition implicitement avancée était qu'il serait désormais plus fondé de parler de la rationalité des acteurs que de la rationalité des organisations. De ce point de vue, c'est par le fait d'un incroyable paradoxe qu'on a désigné depuis lors sous le terme générique de sociologie des organisations la problématique composée A  partir de Parsons et énoncée pour la première fois dans sa forme moderne par le Phénomène bureaucratique de Michel Crozier : s'agissant d'une problématique qui renonA§ait précisément A  se présenter comme un science des organisations pour AStre plutôt une science des interactions entre acteurs et systèmes complexes, il y avait lA  la source d'un quiproquo indéfendable. MASme si les chercheurs s'en sont accommodés, le moins que l'on puisse dire est que ce barbarisme n'a pas facilité la tache des pédagogues.
Quoiqu'il en soit, le fait que la -sociologie des organisations- en question ait renoncé A  décrire des modèles avait ses conséquences les plus directes sur le traitement réservé au système bureaucratique. Si celui-ci se trouvait confirmé dans sa position de système social de référence, il ne lui était pas pour autant accordé plus de vertus que nécessaire. Certes, le Phénomène bureaucratique avait eu pour première ambition d'en finir avec les anathèmes et de comprendre le système de l'intérieur, si ce n'est en sympathie avec lui. Mais Crozier n'en était pas moins d'accord avec ses devanciers américains pour reconnaitre les effets dévastateurs des -cercles vicieux- qu'il enclenchait. D'un point de vue purement analytique, la bureaucratie continuait de fournir l'exemple d'un système d'interaction virtuellement silisé, harmonieux, et dont les défauts étaient par essence l'envers de quelque fonction positive. Mais, replacée dans le temps historique, elle n'en était pas moins un système dangereux, incapable de se réformer, ué aux crises aiguA«s.
Par extension, il convenait d'ailleurs d'admettre que chaque équilibre organisa-tionnel se trouvait en permanence dans une situation able. A leur manière, tous étaient précaires, insles, simultanément enclins A  la cohésion et A  la faillite. Pour le dire d'un mot, le lot de tous les systèmes d'action était la contradiction. Au point que dans un livre contemporain de celui de Crozier, les Américains Blau et Scott en arrivaient A  considérer cet état comme le principe central de leur fonctionnement : c'est parce que les organisations formelles étaient perpétuellement tiraillées entre le besoin d'éluer et celui de consolider leur état présent, entre des objectifs de portée générale et des procédures forcément plus spécialisées qu'elles parvenaient A  vivre, A  produire, A  s'adapter (Blau & Scott, 1962).
A l'intérieur, aucune organisation n'était en mesure d'échapper au conflit. L'inélucle destin des acteurs A  rationalité limitée décrits par March et Simon était en quelque sorte d'entrer en conflit A  tout propos, et non plus seulement du fait des antagonismes substantiels qui pouvaient opposer les dirigeants aux exécutants. L'intérASt du chef de bureau chargé de l'application d'une sanction définissait une source structurelle de conflit avec les individus sanctionnables, quels qu'aient été le sair-faire des uns et des autres, leur bonne lonté et l'intérASt final qu'ils auraient eu A  s'entendre. De surcroit, un seul et mASme acteur était susceptible de se laisser distraire par des rationalités alternatives : selon les circonstances, son engagement dans l'organisation pouvait AStre ajusté A  des objectifs purement personnels, aux objectifs d'un groupe ou d'un autre, sans exclure sa rencontre avec l'intérASt de l'organisation prise comme un tout. A la fin du compte, le sort de chaque système s'inscrivait A  perpétuité dans le sillage de ce qui résulterait de tous ces affrontements accumules, bien plus sûrement encore que des oppositions ultimes entre chefs et subordonnés, entre capital et travail.
A l'époque du Phénomène bureaucratique, Michel Crozier, pour sa part, n'en affichait pas moins sa conviction que tout ceci n'était nullement incompatible avec l'idée que les organisations puissent progresser, devenir plus intelligentes au regard de l'histoire, plus humaines au regard du destin de la civilisation industrielle. De ce point de vue, il était resté plus solidaire de l'école franA§aise de sociologie industrielle que n'aurait pu le laisser croire son adhésion aux théories fonctionnalistes importées d'Amérique. C'est ainsi que pour lui, l'affirmation selon laquelle les dysfonctions de la bureaucratie masquaient toujours des fonctions latentes avait une portée morale : elle signifiait qu'aucune perversion n'était inexorable; que l'élution dépendait toujours, -en partie au moins, de la capacité mASme de l'homme A  dominer et A  briser les cercles vicieux- (Crozier, 1963, p. 237).
Rejoignant plus explicitement encore Friedmann, Touraine et tous les autres, il yait au moins deux facteurs qui entrainaient les organisations vers un desserrement des déterminismes : -d'une part, les progrès constants des techniques de prévision et d'organisation; d'autre part, la clairyance et la -sophistication- croissante des individus dans une culture de plus en plus complexe- (ibid., p. 370). Pour les mASmes raisons qui avaient permis de constater que les relations devenaient plus laches entre le travail des machines et le travail des hommes, Crozier abandonnait lui aussi Taylor A  ses ténèbres : -le pouir de l'homme sur lui-mASme s'accroit sans cesse et les sociétés modernes commencent tout juste A  prendre conscience des moyens d'action dont elles disposent pour se contrôler et se réformer- (ibid., p. 388).



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