IPeut - écrits et documents
ManagementMarketingEconomieDroit
ss
Accueil # Contacter IPEUT




l entreprise en actions icon

MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


NAVIGATION RAPIDE : » Index » MANAGEMENT » ENTERPRISE MANAGEMENT » L entreprise en actions

Le jeu autour des rÀgles



On a beaucoup parlé des dégats que la diffusion du scientisme taylorien ait pu provoquer depuis le début du XXe siècle, dans les esprits comme dans la réalité du développement industriel. Au cours de ces dernières décennies, l'analyse stratégique a été A  coup sûr au nombre des instruments qui ont permis de remonter une bonne partie de la pente. Plus ou moins confusément, elle a en effet redonné une meilleure vision de la place que la dynamique sociale occupait dans la vie de l'entreprise : il faut A  un responsable industriel d'aujourd'hui d'avoir été A  bien mauise école pour croire encore que la vie d'une entreprise puisse se laisser maitriser par les vertus combinées de la technique, de l'organigramme et de la discipline ! Chacun a désormais saisi quelque chose de l'idée selon laquelle une entreprise est un système a"interaction en mouvement. Plus un seul spécialiste des organisations n'existe qui refuserait d'admettre qu'autour d'une structure formelle quelconque, s'institue forcément un jeu social non formalisable et qui contribue A  son fonctionnement. Les thèses néo-tayloriennes voyaient dans ces -jeux autour des règles- d'insupporles perturbations : tout le monde s'accorde maintenant A  y voir un gage d'efficacité. Les normes et les leurs qui se recomposent A  partir des acteurs sont en dernier ressort celles qui permettent aux entreprises de -tourner-.


Lorsque des thèses parviennent A  ce stade de leur diffusion, c'est le signe qu'elles participent d'une sorte de conversion mentale inscrite dans l'air du temps. Leur succès se mesure alors aussi au fait qu'elles échappent A  leurs auteurs pour imprégner de faA§on plus ou moins explicite les nouvelles recherches et les nouvelles prescriptions. C'est A  l'évidence ce qui s'est passé dans les développements récents de la sociologie industrielle : que cela soit affiché ou tacite, bien des études contemporaines relatives A  l'entreprise ont utilisé comme toile de fond les thèmes génériques qu'on vient de rappeler et auxquels des chercheurs comme Crozier aient donné leur consistance théorique. Ce qui ne doit pas conduire A  les négliger : d'une mise A  jour, d'une méthode ou d'une proposition nouvelles dépend souvent l'émergence de questions qui n'étaient pas initialement posées. Les exemples présentés ci-dessous voudraient en fournir l'illustration.
Parmi les recherches qui se sont inscrites de facto dans le sillage de l'analyse stratégique, il faut d'abord signaler les contributions originales qu'apportèrent, au début des années soixante-dix, quelques sociologues franA§ais qui eurent l'idée d'aller saisir -A  la source- les situations d'interaction dans lesquelles se trouient engagés les ouvriers de production. Pour cela, ils étaient parvenus A  se faire embaucher en entreprise pendant des périodes suffisamment longues (au moins six mois) et aient pu observer dans la durée la manière dont se mettait concrètement en ouvre la -régulation informelle- de l'atelier. C'est ainsi que trois sociologues (dont Philippe Bernoux, déjA  cité), effectuèrent de longs séjours dans des grandes entreprises métallurgiques de la région lyonnaise. Ce qui ressortit de plus frappant de leur expérience fut leur tendance A  présenter les -recompositions stratégiques- dont ils aient été témoins dans des termes encore bien plus radicaux que Crozier ne l'ait fait A  propos de la manufacture des acs :
Dans la ligne d'usinage comme dans celle de montage, rapportent les trois chercheurs, -il se passe des choses qui ne sont pas -logiques- aux yeux des comnons-. A priori, ceux-ci voient bien comment le système de production a été conA§u. Mais ils observent aussi une masse de dysfonctions : -Il faut se déplacer A  travers tout l'atelier pour chercher une pièce ; des machines modernes sont inutilisées (); des pièces sont fabriquées en grande hate mais avec beaucoup de minutie, puis stockées pendant des mois.- Ces dysfonctions prennent d'autant plus de relief que le système de commandement ne laisse aucune place A  l'initiative, de telle sorte que -seule la transgression du règlement permet d'assurer la production-. La hiérarchie s'en rend parfaitement compte : -elle sait qu'elle doit faire appel A  la bonne volonté de tous pour faire fonctionner l'atelier.- A la fin du compte, on en arrive au point où, A  l'exact opposé de ce que laissaient croire naguère E. Mayo et ses disciples de l'Ecole des relations humaines, -la hiérarchie use d'une logique du sentiment pour que les comnons mettent en ouvre une logique de l'efficacité- (Bernoux, Motte & Saglio, 1973, pp. 128-l37).
A la mASme époque, une autre - obsertion participante - réalisée par Renaud Sainsaulieu permit pour sa part de préciser un point sur lequel le Phénomène bureaucratique ne s'était pas arrASté. Si le fonctionnement de l'entreprise tenait A  l'aptitude des acteurs A  se redistribuer les rôles en marge des règles formelles, il lait la peine de voir comment chaque groupe viit concrètement ces processus de quasi-négociation. Or, il apparut A  Renaud Sainsaulieu que les modes d'implication riaient beaucoup selon la catégorie de salariés A  laquelle il s'intéressait, et cela pour des raisons qui étaient très loin de ne tenir qu'A  la place occupée par le groupe sur la -sectiune du pouvoir- de la firme.
Renaud Sainsaulieu deit ainsi montrer que les ouvriers peu ou pas qualifiés nombreux en production, aient tendance A  développer entre eux des relations de type fusionnel ou unanimiste, avec toutes les conséquences que cela pouit entrainer d'un point de vue stratégique : en toute situation, le groupe de trail ait tendance A  -faire bloc- autour d'un leader, A  faire préloir sa solidarité au détriment de tout débat interne. Au contraire, les groupes d'ouvriers qualifiés subordonnaient leur action A  la discussion contradictoire et A  des prises de décision majoritaires : le respect de la règle démocratique leur apparaissait comme la condition normale de la solidarité, sur le modèle des leurs répandues par les syndicats. Ailleurs, parmi les employés ou les techniciens par exemple, le collectif de trail tendait A  se dissoudre : plus souvent en quASte de promotion individuelle, ces salariés procédaient par affinités sélectives, quand ils ne choisissaient pas de jouer la sectiune du chef. Enfin, d'autres salariés paraissaient tentés de démissionner de toute implication stratégique dans l'atelier. C'était le cas pour des ouvriers faiblement intégrés ou ne vint leur temps de trail que comme un temps contraint, et qui n'était loyalement supporté que par référence A  des projets extérieurs : celui de rentrer au pays pour le trailleur immigré, de toucher un salaire pour le jeune en quASte d'autres horizons (Sainsaulieu, 1973).


Plus tard, sur la base d'une autre enquASte très approfondie (mais menée cette fois de l'extérieur) auprès d'équipes d'ouvrières spécialisées, Michel Liu allait affiner le propos. Ce chercheur montra que les relations qui s'élissaient au sein d'un groupe de trail et les ajustements stratégiques auxquelles elles donnaient lieu gagnaient A  AStre saisies dans la durée. A chaque fois, on était en fait dent des -microcultures- polies par le temps et en fonction des expériences que le groupe ait derrière lui. L'une des situations auxquelles Michel Liu s'était trouvé confronté était celle d'une équipe A  la culture très paradoxale, où les apparences n'aient pas la signification que l'obserteur était tenté de leur donner instantanément.
Ce que le groupe donnait A  voir était de prime abord réfrigérant. Chaque ouvrière traillait pour soi et l'entraide était réduite au minimum. Un principe de stricte égalité était maintenu au sein du groupe et vis-A -vis du chef, toute tentative de personnalisation des rapports avec celui-ci étant par ance jugée déshonorante. Les nouvelles venues receient un accueil sans concession, où les intéressées'ne pouient initialement discerner qu'une sorte d'hostilité incompréhensible. L'analyse menée sur une période prolongée deit cependant révéler que cette apparente inhumanité dissimulait des principes de cohésion très élaborés. Ces principes étaient le résultat d'un lent apprentissage durant lequel le groupe ait eu tout le temps de forger ses défenses. Le trail était très dur, et c'est la structure de l'atelier qui était A  l'origine de l'isolement de chaque ouvrière. Toutes les expériences de rapprochement avec le chef s'étaient soldées par des conflits internes et autres accusations de -fayotage-. Si une nouvelle embauchée était accueillie plus chaleureusement, la vie quotidienne ait vite fait de la sevrer de ses illusions, ce qui ne faisait que compromettre un peu plus son intégration. De sorte que c'est l'expérience collective qui ait produit cette -microculture- paradoxale. Pour si peu sociable que celle-ci parût, elle ne s'était pas moins imposée comme la seule qui puisse durer, qui permit aux ouvrières de tenir et aux nouvelles venues de trouver leur place (Liu, 1981).
Plus récemment encore, un autre sociologue, Gilbert de Terssac, a réussi A  rendre compte de faA§on globale et systématique des -recompositions stratégiques- sur la base desquelles pouit fonctionner une entreprise aussi particulière que peut l'AStre une centrale produisant de l'énergie nucléaire. Ce trail était d'autant plus intéressant qu'il concernait un secteur neuf, peu étudié, et dont on aurait pu penser qu'il nous mettait par définition A  distance des situations d'atelier plus ou moins défaillantes évoquées jusque-lA .
Ant de Terssac, il était de fait légitime de soupA§onner que la tradition inaugurée par la recherche sur la manufacture des acs ait succombé, pour les besoins de sa cause, A  une facilité : celle de privilégier des entreprises d'un certain type, les plus - intéressantes - étant par hypothèse celles qui trainaient des structures néo-tayloriennes inopérantes et dans lesquelles les groupes de trail étaient bien obligés de se prendre en main ! Gilbert de Terssac se trouit a priori dent des réalités très différentes : en s'attaquant aux industries de pointe A  hauts risques, il pouit en bonne logique s'attendre A  rencontrer des situations formellement mieux réglées, où la place serait moins grande pour les - incertitudes - chères A  Cro/.ier et où le -jeu autour des règles - si coutumier aux salariés serait moins ouvert qu'A  l'ordinaire. Or, tout le trail de l'auteur a précisément consisté A  mettre en évidence que dans ce type d'industrie, la réduction de l'incertitude n'ait pas eu lieu : au plus les lieux de l'incertitude s'étaient-ils déplacés. Dans le fonctionnement des systèmes industriels en question, la part des -règles non écrites- était restée tellement déterminante que Gilbert de Terssac put écrire un livre entier sur la constellation de -régulations sociales- qui en assuraient la bonne marche.
Trois propositions permettent de résumer le propos de l'auteur. D'abord, on vérifiait ici qu'il fallait toujours compter sur des règles non écrites pour compléter les règles écrites et rendre celles-ci praticables. Que fallait-il faire par exemple dans le cas du déclenchement d'une alerte d'incident dangereux? Sur le terrain, il allait de soi que les interventions d'urgence prévues au règlement deient AStre subordonnées A  un premier diagnostic rapide effectué de faA§on informelle sous la responsabilité des agents. En ordre général, ce type d'-infraction- aboutissait A  des manouvres élémentaires de retour A  la normale, si ce n'est A  la neutralisation pure et simple du signal. Ensuite, il apparaissait que dans cette industrie, plus peut-AStre que dans d'autres, l'intérASt des agents était de mettre en commun leurs compétences et de réduire ainsi la -dépendance cognitive- des uns par rapport aux autres. Immanquablement, cela aboutissait encore A  des infractions A  la règle. Ainsi était-il de pratique courante que les responsables des salles de commandes tolèrent la présence parmi eux des ron-diers, opérateurs en principe consignés A  l'extérieur pour intervenir sur les installations :


-Si on donne une mauise information en tant que chef de salle au rondier, le rondier *peut contrôler et dire : qu'est-ce que tu me fais faire oh! -. -De mASme, dit un rondier, si le chef de salle voit une alarme il nous dire où il faut aller : par exemple nne X, quatre tours. Nous on dire : c'est quoi? On pose des questions. Il y a un dialogue pour éviter des erreurs. Le trail est mieux fait - (de Terssac, 1992).
Troisième proposition enfin : ce qui se passait dans ce type d'industrie poussait A  considérer le phénomène de transgression des règles formelles comme une donnée parmi d'autres d'une situation de -transaction généralisée- entre les chefs et les exécutants. Il y ait lA  un constat nouveau. Dans les études plus classiques, on ait plutôt laissé entendre que les règles non écrites aient pour première vertu d'AStre des -règles sauges- A  fonction symbolique, dont l'objectif ultime était de tracer la frontière entre la sphère d'intervention ouverte A  la hiérarchie et celle qui revenait A  la base. La transgression intervenait pour renforcer l'autonomie du groupe contre le pouvoir de contrôle dont était investie la hiérarchie. Or, ici, la réalité était plutôt celle d'un arrangement normal entre les agents et les chefs pour que les compétences se relaient et pour que l'-infor-mel- puisse compléter les lacunes du -formel-.
Pour s'expliquer sur ce point, Gilbert de Terssac empruntait A  la thèse exposée pour la première fois en 1988 par Jean-Daniel Reynaud. Par nature implicites, éventuellement conflictuels, ces types de transactions n'en méritaient pas moins d'AStre considérés comme la rencontre banale de deux formes d'initiatives complémentaires et consubstantielles A  toute organisation : celles-lA  mASmes que Jean-Daniel Reynaud ait proposé de designer sous les termes respectifs de -régulation de contrôle- et de -régulation autonome- (Reynaud, 1988). Cette terminologie laissait entendre que n'importe quel ensemble organisé ait vocation A  mettre en concurrence deux sources de règles : les règles de contrôle étaient -celles qui étaient imposées de l'extérieur-. On attendait d'elles qu'elles réduisent le plus possible l'incertitude, ce qui n'en faisait pas forcément l'apanage de la hiérarchie : par exemple, dans la production industrielle, les fonctions de contrôle de la qualité ne sont pas des fonctions hiérarchiques. Quant aux règles autonomes, elles aient pour propriété essentielle d'AStre des règles -produites de l'intérieur-. LA  où la tradition voyait des oppositions entre deux blocs forcément antagoniques, il convenait selon Reynaud de voir plutôt un mécanisme bipolaire A  la fois plus complexe et plus fondamental, et dont la fonction ordinaire était de produire des transactions d'intérASt commun.
En proposant cette formulation, et en lui donnant toute sa portée A  l'occasion de la publication d'un très ambitieux ouvrage de synthèse sur -les règles du jeu- dans les organisations (Reynaud, 1989), Jean-Daniel Reynaud entreprenait de revisiter un des grands débats classiques de la sociologie. Entre autres choses, il traduisait le vocabulaire déjA  ancien de l'analyse stratégique dan- des catégories conceptuelles nouvelles et quelque peu explosives. Finalement, suggérait-il A  rencontre de Crozier, il n'était pas tout A  fait correct de considérer que les -acteurs- puissent incarner une sorte de vie sociale des organisations extérieure au -système-. Les stratégies n'aient pas vocation A  s'inscrire dans les failles des règles : elles étaient, de plein droit, des données de la régulation elle-mASme En fait, et toute subtilité théorique mise A  part, Jean-Daniel Reynaud proposait d'identifier définitivement la vie de l'entreprise A  une ste machinerie où il n'était mASme plus question d'opposer les -actions- aux -réactions-, ni les -organisateurs- aux -organisés-. On était décidément très loin des modèles d'antan!





Privacy - Conditions d'utilisation




Copyright © 2011- 2024 : IPeut.com - Tous droits réservés.
Toute reproduction partielle ou complète des documents publiés sur ce site est interdite. Contacter

Au sujet des enterprise management

DÉfinitions de la pme/pmi
Capitalismes et pme
Buts et profils des dirigeants
L entreprise artisanale
L entreprise de service
L analyse stratÉgique de la pme
L avantage concurrentiel
Les risques en pme
L assistance a la pme
La gestion des ressources humaines
La gestion commerciale
La gestion financiÈre
L organisation des pme
L organisation en rÉseau
La naissance de l entreprise
La phase de dÉmarrage
Le «maternage»: pme et dÉveloppement local
La croissance des pme
L innovation en pme
L internationalisation
L entreprise numÉrique
Les différents environnements de l évaluation d entreprise
Paramètres des méthodes d évaluation
Retraitement économique comparé des comptes
Évaluer par la valeur patrimoniale
Le passage du rubicon
La recherche de l idée
Le plan de développement
Le financement
Les questions juridiques
Les démarches juridiques et administratives
Secteur public
Secteur professionnel
Les spécificités de la reprise d une entreprise
La naissance de reprise d une entreprise
La recherche des entreprises conformes au profil souhaité
Diagnostics internes et externes des entreprises cibles
L évaluation, les modalités juridiques et la recherche de financements
Le plan de reprise et la negociation
L application du plan de reprise
L entree en scene de la classe ouvriÈre
Les metamorphoses du patronat
Le siÈcle des organisateurs
Les sociologues face À taylor
L entreprise en actions
La forme franÇaise de l entreprise
Les rÉsurgences : artisanat et rÉseaux
Les tendances : l entreprise institution