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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Schmitt

LA LOI DéSIGNE L'ORDRE CONCRET DE LA SOCIéTé
Schmitt, Les Trois Types de pensée juridique, trad. M. Koller et D. Séglard, PUF, 1995, p. 74-78.

Le juriste allemand Cari Schmitt expose dans ce petit ouvrage écrit en 1934, A  la demande du Front du droit allemand, trois - types - (au sens wéberien d'idéal-type, modèle théorique qui sert A  comprendre les faits, mais ne se rencontre jamais A  l'état pur) de pensée de l'ordre juridique qui ont eu cours jusque-lA  dans l'histoire du droit. Fortement compromis depuis 1933 avec le régime nazi - susceptible, selon lui, de débarrasser l'Allemagne du libéralisme et de l'individualisme ', il en devient pendant un temps le juriste officiel, et cherche ici A  légitimer la pratique du régime. Notamment, il entend justifier la prise des pleins pouirs par Hitler grace A  une nouvelle définition de la loi : la loi tire son origine de la réalité sociale ordonnée et non d'une simple norme (comme chez Kelsen), ni d'une décision souveraine (comme chez Hobbes).
La loi ne peut plus se réduire A  ce que le normativisme la définit, A  sair un pur système théorique de normes, comme suspendues en l'air, dégagées lontairement de tout lien avec la réalité. Le postulat du normativisme (de Kelsen en particulier ' cf. texte nA° 3 ', dont Schmitt reprend la chaire lorsque ce dernier quitte l'Allemagne) consiste en effet A  séparer nettement le domaine du Sein (l'AStre et le fait) de celui du Sol/en (deir). Il refuse par ailleurs de juger le droit par quelque valeur que ce soit ' politique, économique ou morale -, ne considérant que le fonctionnement et la logique interne du droit. La réalité non juridique mais réglée par le droit devient pur fait, dépourvu d'ordre. L'ordre se trouve dans la seule norme. On se rend, dans cette conception, incapable de penser le crime comme désordre dans la réalité : le crime est, pour le normativiste, un fait, et n'entre en contradiction qu'avec la norme. Le normativiste n'explique pas pourquoi la norme doit corriger le crime en particulier. Combattant cette vision des choses, Schmitt affirme l'in-trication du Sein et du Sollen, sous la synthèse qui pense la réalité comme un ordre concret. La réalité sociale fournit d'elle-mASme des normes ; il faut l'observer, et ne pas produire un droit qui s'élève trop au-dessus du fait. Cet ordre concret doit AStre le point de départ du deuxième type de pensée juridique moderne, celui que prône Schmitt. Aussi est-ce pour refuser la neutralité politique du normativisme que Schmitt réaffirme l'implication du droit A  l'égard des valeurs et de la politique. La norme fonctionne simplement (comme le trafic ferroviaire), alors que le droit doit ordonner une réalité sociale qui se présente déjA  comme normale ou anormale. Ajoutons que le troisième et dernier type de pensée juridique (dont Schmitt ne parle pas ici) considère que la loi seule ne peut tout régler, et que devant chaque situation concrète une décision nouvelle doit AStre prise. La paternité de cette position revient A  Hobbes. Trois origines différentes de la loi sont ainsi opposées : norme, décision, ordre concret.
Décisionnisme et normativisme sont renyés dos A  dos parce qu'ils manquent tous deux la réalité sociale ordonnée. Pour le décisionniste, la réalité sociale et politique est désordre, crise permanente A  résoudre. Elle est donc incapable de guider le juriste. Quant au normativiste, il refuse que la réalité influe sur les normes.
En prônant la priorité de la réalité sur la norme, Schmitt ne rejoint pas saint Thomas car il s'affranchit aussi de tout fondement éternel de l'ordre, pour ne considérer qu'un ordre historique concret.
Schmitt oppose A  l'isolement de la norme légale le fait ordonné et ordonnant de l'institution : la loi n'est pas seulement une norme isolée, elle est en contact avec des institutions (le mariage, la punition du crime) qui, loin d'AStre de purs faits, sont des faits signifiants, sources de valeurs avec lesquels le droit fait système. Schmitt s'inspire de l'institutionnalisme du juriste Hauriou, pour qui la normati-vité émane des institutions. La neutralité du droit esc fictive. Le style idéologique de l'auteur témoigne de cette immixtion du politique dans la pensée du droit. Les choix sonc clairs : Schmitt s'oppose A  T'indivi-dualisme. Le normativisme est associé par l'auteur au peuple juif sans terre qui maintient sa loi de faA§on absolue, sans rapport A  une situation concrète. Dans la doctrine schmittienne, le chef est la lonté du peuple. Recourant au plébiscite, et court-circuitant l'assemblée, il fait la loi. Le législatif ne s'oppose plus au chef, ni la lex au rex, c'est-A -dire la loi au toi. La distance est nulle du peuple au chef et du chef A  la loi. La ure de Hitler est implicite dans tout ce texte. Schmitt ne renia pas son passé après la guerre.
Le texte réinterprète la vieille revendication du Nomos basi-leus : la loi sera reine, si elle désigne l'ordre concret uni A  son chef, et non pas seulement des normes isolées pouvant se re-tournet contre l'ordre. Schmitt refuse la neutralité au droit et A  la loi ; ici, il s'attaque particulièrement au notmacivisme, qu'il oppose A  la pensée juridique de l'ordre concret.

Les maitres de la lex assujettissent le rex. Telle est alors, la plupart du temps, l'intention politique concrète, lorsque l'on fait jouer, de manière normativiste, la lex contre le rex.
On ne peut parler d'un Nomos réel comme du roi réel que si le Nomos signifie le concept total du droit, englobant un ordre concret et une communauté concrète. []
Toute réflexion juridique sur des mots composés, tels que - ordre du droit -, - domination de la loi - et - validité des normes -, fait surgir deux types différents de pensée juridique : le type des règles ou des normes abstraites et le type de l'ordre concret. Pour le juriste du premier type, qui trouve le droit dans des règles et des normes générales, prédéfinies, indépendantes de l'état concret des choses, toute manifestation de la vie juridique ' tout ordre, toute mesure, tout contrat, toute décision - devient une norme, tout ordre et toute communauté concrets se dissolvent dans une série de normes valides, dont l'- unité - ou le - système -, A  leur tour, ne sont que normatifs. Pour lui, l'ordre consiste essentiellement dans le fait qu'une situation concrète correspond A  des normes générales A  l'aune desquelles il est mesuré ou jugé. Cette - correspondance - pose cependant un problème logique et souvent discuté, parce que plus la pensée normativiste devient purement normativiste, plus elle conduit A  une séparation nette entre la norme et la réalité, entre le Deir (Sollen) et l'AStre (Sein), entre la règle et les faits concrets. Toutes les normes en vigueur, tant qu'elles sont valides, sont toujours naturellement - dans l'ordre - ; le - désordre - de la situation concrète, en revanche, n'intéresse pas le normativiste, qui ne s'intéresse qu'A  la norme. Ainsi considérés d'un point de vue normativiste, les faits concrets ne peuvent mASme pas exprimer le désordre, par opposition A  l'ordre.
D'un point de vue notmativiste, ce qui est posé (Satzung) par la loi fait ses preuves dans la mesure où l'assassin est condamné A  mort en application du code pénal en vigueur ; mais le crime n'est pas un désordre, c'est un simple - fait -. Pour une logique normativiste du droit, ce crime, en tant que tel, est un - état de faits -, de mASme qu'il existe un état de faits qui, en droit fiscal, permet A  l'état de lever des impôts, ou qui, en droit privé, permet l'exercice du droit A  quelque chose. La peine porte - atteinte - A  la liberté du criminel, tout comme les impôts portent atteinte A  la propriété privée, et que le service militaire, en cas de guerre, porte atteinte au droit de chacun A  la vie. Toutes ces - atteintes -, indistinctement, sont soit légales soit illégales. On ne peut pas en dire davantage du point de vue normativiste. Tout droit se concentre dans des normes, distinctes de la situation objective ; le reste est - pur factum - et n'est que l'occasion, due A  l'état de choses, permettant A  - la loi - de - faire ses preuves -. Le crime, qui est au fondement du droit de punir de l'état, et qui, du point de vue normativiste, se it réduit A  n'AStre que la condition d'application des notmes dans la mesure où tous les éléments constitutifs de l'infraction sont réunis, n'est ni un ordre ni un désordre, pas plus que ne le sont les fianA§ailles d'une jeune fille, qui fondent cependant le droit A  la dot ! Le criminel ne viole ni la paix ni l'ordre, il ne viole mASme pas la norme générale en tant que règle : au fond, du point de vue - juridique -, il ne viole rien. En effet, ce n'est que la paix concrète ou un ordre concret qui peuvent AStre violés, et l'on ne peut parvenir au concept de crime qu'en partant d'une pensée de ce type. En revanche, on sait bien que, malgré le - crime -, la norme et la règle abstraites continuent d'AStre valides sans la moindre modification ; elles sont suspendues au-dessus de toute situation concrète et de toute action concrète ; elles ne sont pas annulées par un comportement soi-disant contraire A  la norme ou A  la loi. La nor-mativité et la facticité sont des - niveaux tout A  fait différents - ; le Deir (Sollen) n'entre pas en contact avec l'AStre et conserve sa sphère propre A  laquelle, selon la pensée normativiste, on ne saurait potter atteinte, alors que dans la réalité concrète toutes les distinctions entre le droit et le non-droit, l'ordre et le désordre se ient transformées, selon la pensée normativiste, en condition objective d'application des normes. L'objectivité du pur norma-tivisme devient ici une absurdité juridique qui détruit et dissout l'ordre.
Il est cependant possible de se représenter le fonctionnement calculable des rapports entre les hommes dans le cadre de la circulation comme étant une simple fonction de règles générales, prédéterminées et calculables. Les règles et les notmes qui rendent possible une telle circulation sans entrave apparaissent alors comme un - ordre -. Il existe un domaine et une sphère de la vie humaine dans lesquels un tel concept fonctionnaliste d'ordre, concept orienté d'aptes des règles, possède un sens. On peut dire que, dans le cas du trafic ferroviaire, respectant l'indicateur des chemins de fer, ce n'est pas l'arbitraire personnel des hommes qui - règne -, mais l'objectivité impersonnelle de cet indicateur, et que ce respect de l'indicateur est un - ordre -. La bonne réglementation de la circulation sur une ie de communication dans une grande ville moderne illustre parfaitement ce type d'- ordre -. Le dernier résidu mASme de domination et d'arbitraire humain, A  sair celui que pourrait encore représenter l'agent de la circulation, est ici remplacé par des signaux automatiques multicolores qui fonctionnent avec précision. Seul un secteur de la vie tel que l'ordre d'une société civile individualiste de libre circulation, secteur visant uniquement une réglementation sûre et permettant de tout préir, pourrait éventuellement AStre rattaché A  un tel concept. Mais il existe d'autres domaines de l'existence humaine dans lesquels le fonctionnalisme réglementaire détruirait l'essence spécifiquement juridique de l'ordre concret. Ce sont tous les domaines de la vie qui ne sont pas formés sur un mode technique, selon le modèle de la circulation, mais sur un mode institutionnel. Ils contiennent en eux-mASmes le concept du - notmal -, du type normal et de la situation normale, et leur concept de la normalité ne se réduit pas, comme c'est le cas dans une société technicisée de libte circulation, A  une réglementation normalisatrice dont la fonction est de tout préir. Ils possèdent une substance juridique propre qui, certes, a affaire A  des règles et A  des régularités générales, mais considérées uniquement en tant que produits résultant de cette substance, c'est-A -dire uniquement A  partir de l'ordre propre, concret et intérieur de celle-ci, qui n'est pas la somme de ces règles et de ces fonctions. La vie en commun des époux au sein du mariage, des membres de la famille au sein de la famille, des membres d'un clan au sein du clan, des membres d'une corporation au sein de cette corporation, des fonctionnaires d'Etat, des clercs d'une Eglise, des camarades d'un camp de travail, des soldats d'une armée, tout cela ne peut AStre dissous ni par le fonctionnalisme de lois définies A  l'avance, ni par des réglementations contractuelles.
Les diverses coutumes, ce qui a un caractère réglé, et ce qui possède un caractère prévisible au sein d'un tel ordre, rien de cela ne peut ni ne doit embtasser ni épuiser l'essence de cet ordre, mais uniquement AStre A  son service. L'ordre concret intérieur, A  sair la discipline et l'honneur propres A  toute institution, résiste, du moins tant que celle-ci existe, A  la moindre tentative de normation (Nor-mierung) et de réglementation intégrales. Il place tout législateur et toute personne appliquant la loi devant le dilemme suivant : soit reprendre A  son compte et utiliser les concepts concrets du droit fournis par l'institution, soit détruire cette dernière. LA  où, par exemple, il existe encore une famille, le législateur et le juriste appliquant la loi se ient, la plupart du temps, contraints de teprendre A  leur compte les représentations de l'ordre concret fournies par l'institution concrète appelée - famille -, plutôt que d'en élir par abstraction le concept général. En parlant du - bon père de famille -, du bonus pater familias, les juges et le législateur se soumettent A  l'ordre de la formation concrète appelée - famille -.



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