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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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L'entreprise comme systÀme vivant

Après la Deuxième Guerre mondiale, un groupe de recherche installé A  Londres ' et non pas dans le Massachusetts ' acquit une grande notoriété dans le domaine de la théorie des organisations. Il est resté connu sous l'emblème du Tavistock Institut of Human Relations, qui l'hébergea, et pour air diffusé la notion de -système socio-technique-.
L'une des premières études A  s'appuyer sur cette formule fut celle que menèrent Eric Trist et Kenneth Bamforth A  propos des difficultés rencontrées A  ce moment-lA  en Grande Bretagne par les responsables chargés de moderniser l'exploitation des mines de charbon. Des programmes déjA  anciens avaient conduit A  une mécanisation très poussée des techniques d'extraction, et A  l'utilisation de la méthode des - parois longues - permettant ' toutes choses égales par ailleurs ' de reproduire dans la mine les modèles de coordination A  l'ouvre dans l'organisation industrielle du travail A  la chaine. Chargés de dresser un diagnostic sur les défaillances de ce système, Trist et Bamforth constatèrent que l'organisation qui avait été mise en place était beaucoup plus rigide que ne pouvait le supporter un travail soumis par définition A  d'incessantes irrégularités (changements dans la nature de la veine A  exploiter, dans la résistance du terrain, etc.). Le résultat était que les mineurs, en principe rivés A  des taches strictement définies et articulées entre elles, ne cessaient d'intervenir pour tenter de parer aux imprévus, sans toutefois parvenir A  leurs fins :
-Le mineur apporte sans cesse des informations dont le potion n'a ni le temps ni la possibilité de tenir compte dans une organisation rigide. Devant cette dispersion périphérique de l'information, la centralisation met sans cesse le système au bord de la catastrophe - (Trist & Bamforth, 1951, repris par Chanlat & Séguin, 1987, pp. 14]. 174).
De cette étude devenue une référence pour tous les spécialistes, trois idées se dégageaient qui n'ont rien perdu de leur acuité. D'abord, Trist et Bamforth confirmaient que le modèle de la bureaucratie centralisée n'offrait par lui-mASme aucune garantie d'efficience, y compris dans le cas où son apparition allait de pair avec un programme de modernisation. Dans le cas des houillères, ce modèle se révélait mASme totalement -contre-productif- : compte tenu de la nécessité où les équipes de mineurs se trouvaient de s'adapter en permanence A  des situations nouvelles, la solution raisonnable semblait deir passer par un relachement des consignes technocratiques, abusivement impersonnelles et venues de trop haut pour AStre vérilement opératoires.
Ensuite, la preuve était faite qu'il n'était pas possible de séparer la gestion des deux sous-systèmes de l'entreprise tels que les avaient identifiés les chercheurs de Harvard : le système formel et le système informel allaient bel et bien de pair, comme le montrait l'échec d'un programme où les hommes étaient condamnes A  interpréter une autre partition que celle que les -organisateurs- avaient disposée sur leurs pupitres. Nous étions dans la période de l'après-guerre : Trist et Bamforth furent de ce point de vue des pionniers, en avance sur les thèmes dont se ressaisirent sensiblement plus tard des hommes tels que Frederick Herzberg. La thèse des deux chercheurs anglais allait d'ailleurs plus loin que ce qu'on a prASté A  la théorie moderne des motivations : elle traitait en effet directement du fonctionnement des organisations, au lieu d'y parvenir par le portillon plus modeste de la satisfaction humaine dans l'entreprise. Le constat changeait aussi de nature : le problème n'était pas tant de -penser des organisations pour les hommes- que d'imaginer des organisations où tous les hommes ' concepteurs et exécutants ' se seraient bien compris sur la répartition des rôles et sur ce que chacun pouvait attendre des autres. D'où la formule des -systèmes socio-techniques-, exprimant la nécessité de penser conjointement les changements techniques et les élutions attendues dans la contribution du personnel.
Enfin, les chercheurs du Tavistock Institute donnaient implicitement leur avis sur ce qu'était pour eux le meilleur modèle possible d'organisation. Ils prenaient évidemment leurs distances avec les formes aveugles de rationalisation centralisée. Mais, A  la différence d'un McGregor, leur travail ne les conduisait pas A  défendre un modèle -y- contre un modèle -x-. Il les amenait plutôt A  l'hypothèse que pour qu'une organisation soit A  la fois performante et satisfaisante pour ses membres, elle devait s'apparenter A  un système homéostatique, c'est-A -dire A  un système défini par son harmonie interne et par sa capacité A  retrouver un point d'équilibre chaque fois que cette harmonie serait mise en danger. Les entreprises tournées vers la satisfaction supérieure des besoins humains n'offraient donc pas de solution toute faite aux problèmes de la bureaucratie : l'optique socio-technique suggérait que la bonne équation s'élaborait au cas par cas, sur la base d'une mise en phase de toutes les données de chaque situation particulière.
Deux autres chercheurs travaillant A  Edimbourg mais proches du -Tavistock- allaient bientôt élargir le propos. Sur la base d'une grande enquASte ative effectuée durant les années cinquante, Tom Burns et G. M. Stalker mirent en évidence que le problème n'était pas seulement celui de l'harmonie A  élir entre les sous-systèmes de l'organisation, mais aussi celui du rapport entre l'organisation et son environnement. Ayant observé des entreprises qui s'étaient orientées vers des - créneaux porteurs - et innovants mais plus aléatoires que les autres du fait de la concurrence, des incertitudes du marché et de la rapidité des élutions techniques (téléviseurs, composants électroniques), ils avaient constaté que la tendance A  la centralisation bureaucratique y avait perdu du terrain. A la différence des entreprises qui travaillaient dans des secteurs sûrs et sles (comme l'était par exemple A  l'époque celui des fibres synthétiques), la tendance avait été de concéder de la marge de manouvre aux agents de tout rang, d'encourager les relations entre collègues (quand la bureaucratie privilégiait le rapport au chef), et de faire glisser certaines attributions sensibles de la -technostructure- centrale vers des responsables plus proches du terrain (Burns & Stalker, 1961). Le principe d'homéostasie trouvait lA  une nouvelle application : dans un milieu plus mouvementé, la structure bureaucratique avait eu tendance A  s'assouplir, A  se déformer. Face A  des conditions plus incertaines, les dirigeants avaient mobilisé des capacités qui seraient sans cela restées inactives.
C'est ainsi que, peu A  peu, les chercheurs en sont arrivés A  se représenter les entreprises comme de vériles systèmes vivants. Sauf A  s'enfoncer dans la pathologie, ces systèmes devaient faire plus que de procéder A  des échanges internes de nature A  préserver un état stationnaire ; ils devaient aussi se défendre contre les agressions extérieures et s'adapter en conséquence, en mobilisant pour cela des ressources -dormantes - comme le sont par exemple dans le corps humain les organes de sécrétion hormonale. Ce n'est pas par hasard si Tom Burns lui-mASme proposa de désigner d'une formule biologique ce type d'entreprises qui lui étaient apparues transformées par le rythme des innovations et les incertitudes extérieures : au système mécanique (c'est-A -dire l'idéal-type de la bureaucratie), il opposa le système organique. Cette terminologie suggestive est depuis lors passée dans le langage courant des sciences de l'organisation, bien qu'elle pose en réalité un sérieux problème, en plus de sa rencontre facheuse avec les qualificatifs qu'Emile Durkheim avait naguère appliqués aux formes de la solidarité sociale : si, comme Burns lui-mASme le reconnaissait, il subsistait des situations où la solution bureaucratique s'imposait comme la plus efficiente, cela aurait dû conduire A  la conclusion que dans ces cas-lA , le système bureaucratique retrouvait des vertus ni plus ni moins - organiques - que les autres du fait de sa capacité A  produire des états d'équilibre biologiquement satisfaisants.
La direction dans laquelle sont allés depuis lors les spécialistes des organisations intéressés par la métaphore biologique confirme que cette objection a été prise en compte : toutes les entreprises, A  les entendre, méritent d'AStre rapprochées des organismes vivants. Toute entreprise constitue un agglomérat de cellules, d'organes reliés ensemble et dont la combinaison commande la vie du système, son développement et sa faculté d'adaptation au milieu dans lequel il élue. Avant d'AStre une machine A  produire, une entreprise est un -corps- qui nait, croit, vieillit et meurt. Bien entendu, il ne s'agit lA  que d'une métaphore, qui ne vaut A  ce titre que si elle permet d'élucider certaines propriétés paradoxales des organisations industrielles. Parmi les recherches qui se sont développées selon cet axe depuis les années soixante-dix, trois illustrations permettront de montrer en quoi cette métaphore a effectivement ouvert des pistes nouvelles de réflexion et d'action.
Observer l'entreprise comme un système vivant a d'abord conduit A  relativiser l'idée apparemment indiscule selon laquelle les entreprises seraient par essence orientées vers l'efficacité. MASme dans le secteur privé et mASme lA  où la concurrence sévit le plus, il est intéressant de se demander dans quelle mesure la vérile -nature- de toute entreprise ne consisterait pas d'abord et tout simplement A  -défendre sa peau-. Le souci du développement relèverait de la mASme logique : son mobile ne serait pas tant d'accroitre la puissance capitalis-tique de la firme que de répondre A  un besoin élémentaire de lutte contre la dégénérescence ou le vieillissement. Certes, l'intérASt de ce type d'observation serait faible s'il ne s'agissait que de disputer A  la micro-économie classique son monopole d'investigation sur la stratégie des firmes. Mais de bons spécialistes de la théorie des organisations se sont efforcés de mettre l'hypothèse A  l'épreuve. Ils ont par exemple révélé que les processus selon lesquels les entreprises se développent sont loin d'AStre toujours transparents en termes d'efficacité. C'est ainsi que la tendance très générale des grandes entreprises A  conjuguer croissance et segmentation interne leur est apparue relever aussi souvent d'une curieuse loi de l'espèce que d'une nécessité fonctionnelle : après d'autres, Rosabeth Moss Kanter en a fait la démonstration a contrario en observant que les entreprises américaines vraiment performantes étaient celles qui résistaient A  ce mouvement naturel pour jouer la sectiune opposée d'une plus grande intégration (Kanter, 1983).
Le mASme type d'inspiration a suscité un courant de réflexion sur la -démographie- des organisations industrielles. Comme le font les anthropologues ou les naturalistes pour les espèces vivantes, des spécialistes de l'industrie se sont penchés sur ce qui fait que certains types d'entreprises ont tendance A  se développer tandis que d'autres dépérissent. A la manière de C. Darwin analysant les mécanismes de la sélection naturelle des espèces, une thèse a été esquissée selon laquelle les chances de survie d'une espèce organisationnelle sont d'autant plus élevées que celle-ci oppose moins d'inertie A  l'élution du milieu dans lequel elle se trouve. C'est pourquoi la mortalité serait plus faible parmi les entreprises les plus - flexibles -, celles qui parviennent sans traumatisme majeur A  faire bouger leur gamme de produits, leur technique, leur clientèle, leur structure interne, et dont le personnel est disposé A  accomner le changement. Cette proposition en appelle une autre, intéressante du fait de son caractère paradoxal : la morbidité ne serait pas nécessairement plus élevée parmi les petites entreprises que parmi les grandes, en dépit de la fragilité apparemment supérieure des premières. Dans les conjonctures de crise, on a vu que certains dinosaures tels que les grandes entreprises sidérurgiques pouvaient s'avérer plus vulnérables que tels ou tels de leurs sous-traitants, -petites boites- dont la nature était de rester sans cesse A  l'affût de nouveaux marchés.
Une dernière manière de rapprocher les entreprises des systèmes vivants consiste A  élargir les horizons et A  observer les organisations comme de simples sous-ensembles A  l'intérieur d'un -système général- où les frontières entre les organisations et ce qu'il est convenu d'appeler leur environnement auraient tendance A  s'effacer. Le rapport avec le vivant s'éclaire A  ce sujet lorsqu'on se réfère A  la notion d'écosystème, au sens qu'y accordent les savants du monde naturel. Un éco-système délimite un système clos dont tous les éléments sont interdépendants et dont l'activité est absorbée par la nécessité où celui-ci se trouve de se défendre contre tout changement qui mettrait en cause son existence. Ainsi existe-t-il une chaine d'interaction circulaire entre la société des abeilles, la flore et la faune : toute la logique du système est de faire que l'interaction se perpétue. A quoi servirait-il de discuter de l'organisation de la ruche si la chaine en question se trouvait menacée (Morgan, 1989 pp 272 278)? ,
De mASme, de nos jours, la gestion des organisations industrielles est de plus en plus souvent rapportée A  une problématique d'éco-système qui rend plus modestes tous ceux des spécialistes qui en étaient restés jusque-lA  au souci d'une optimisation séparée des organisations, et mASme ceux qui s'intéressaient au rapport entre organisation et environnement. Quand les dirigeants des firmes automobiles affirment que la survie de leurs entreprises dépend maintenant essentiellement de la part concrète qu'elles prendront A  la résolution des problèmes de trafic et de pollution, ils adoptent le point de vue le plus avancé en matière de théorie des systèmes vivants. A moins qu'il ne s'agisse d'un retour aux sources de ces arguments d'évidence momentanément masqués par l'élan de nos rélutions industrielles.



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