Le raisonnement juridictionnel est évidemment d'abord un raisonnement juridique1. Mais c'est un raisonnement
juridique particulier puisqu'il ne s'agit pas de raisonner dans l'abstrait ou de manière générale, mais concrètement sur un cas particulier, afin de trancher entre les thèses qui s'y affrontent. Peut-être, d'ailleurs, la controverse inhérente au procès et l'imbrication du fait et du droit qu'il recèle inéluclement font-elles du raisonnement juridictionnel la quintessence du raisonnement juridique. Il traduit en effet une triple confrontation : celle du fait et du droit, celle des prétentions opposées des parties et celle des prétentions contradictoires des parties et de la ratio decidendi du juge. Il conduit d'une demande à une réponse, d'une prétention à une solution.
Le raisonnement juridictionnel repose sur des bases logiques, en ce sens « qu'il obéit à un certain nombre de règles qui font échapper le jugement à l'empirisme, à la casuistique, à la fantaisie intuitive, au sentiment ou à l'émotion »'. À partir du matériau brut que sont les faits de l'espèce et les règles de droit et de la sélection progressive qu'y opèrent les parties et le juge, on parvient au jugement qui procède d'une fusion des faits et du droit et d'une confrontation de prétentions opposées. La logique judiciaire est alors une application particulière de la logique juridique qui, elle, envisage le droit tout entier et notamment le système des normes objectives où « le versant philosophique est prépondérant, alors que la logique judiciaire possède une assise plus concrète »2.
Dans la logique juridictionnelle, il y a en réalité plusieurs logiques en interactions, celles des parties et celle du juge. Non seulement les plaideurs doivent convaincre le juge, mais le juge doit convaincre les parties auxquelles le jugement ne donne pas pleine satisfaction parce que, sinon, elles ne l'accepteront pas et le frapperont de ies de recours. Mais, alors, le raisonnement des
juridictions saisies de ces recours devra s'attacher à l'exactitude ou aux erreurs de la décision des premiers juges. Autrement dit, il se fondera sur de nouvelles prémisses, constituées par une première solution du litige.
Ainsi, le raisonnement juridictionnel, en cas de ies de recours, acquiert-il une spécificité par rapport à sa substance habituelle et s'exprime sous des formes particulières.