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MANAGEMENT

Le management ou la gestion est au premier chef : l'ensemble des techniques d'organisation des ressources mises en ouvre dans le cadre de l'administration d'une entité, dont l'art de diriger des hommes, afin d'obtenir une performance satisfaisante. Dans un souci d'optimisation, le périmètre de référence s'est constamment élargi. La problématique du management s'efforce - dans un souci d'optimisation et d'harmonisation- d'intègrer l'impact de dimensions nouvelles sur les prises de décision de gestion.


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Le compromis patrimonial

Chaque pays, chaque société entretient un type particulier de relations avec ses entreprises. Dans un même pays, ces relations ne cessent de se redéfinir avec le temps, au gré des circonstances économiques, sociales et politiques. Il y a des époques de changement durant lesquelles l'histoire semble hésiter et qui valent aux réalités sociales de prendre du retard sur les réalités économiques. D'autres moments apparaissent au contraire comme d'authentiques moments de «modernisation» : la société rattrape alors le temps perdu. Ces temps de clarification des rapports sociaux sont ceux qui font référence. Ils s'incrustent non seulement dans les esprits mais aussi dans la décision politique et dans les règles de droit.
La France du XXe siècle a été traversée par un mouvement de balancier de ce type. On a équé la situation des années vingt et trente : c'était celle d'une nation qui ne vivait pas dans une relation claire avec ses entreprises. Le pays était alors sous le coup d'une industrialisation intensive; le développement des firmes entrainait avec lui la formation d'une vérile classe ouvrière restée jusque-là introuvable, hétérogène, dispersée; le mouvement syndical sortait de sa période primitive pour s'installer dans le paysage économique et politique du pays Cependant, le mouvement de l'histoire était resté en suspens : demeurés maitres du jeu, les patrons n'avaient pas coupé les amarres du passé. Les opérations industrielles les plus puissantes n'avaient pas empêché que se perpétuent les sagas familiales (que ne disait-on encore, juste avant la guerre, des «deux cents familles ! ») et les manières de faire du «patronage». La rationalisation du travail n'avait pas incité à une vraie modernisation : elle avait plutôt contribué à entretenir les rapports traditionnels de dépendance des ouvriers à l'égard de leurs dirigeants. Globalement, le mouvement ouvrier était resté sans prise significative sur le changement.
La période suivante a été au contraire l'occasion d'une mise à jour décisive, scandée successivement par les événements de 1936, par les circonstances de la Deuxième Guerre mondiale, et par les «Trente Glorieuses» (les trente années de croissance ininterrompue qui s'écoulèrent entre 1945 et 1975). Au cours de cette période, une nouvelle forme de relation de production s'est progressivement installée, dont nous sommes aujourd'hui encore les héritiers. Sa caractéristique centrale est d'air peu à peu disqualifié la conception paternaliste de la firme et d'air fait de l'entreprise une institution fondée sur des rapports de droit contrôlés par la puissance publique. Ni la science, ni le mythe de quelque réconciliation collective scellée autour du progrès ou de la croissance n'ont eu de place significative dans cette refondation de la relation industrielle. En effet, c'est une autre conception, d'orientation exactement opposée, qui a fait alors son entrée en scène. Elle s'est organisée autour de la notion de contrat, avec tout ce que cela implique : la reconnaissance du fait que l'entreprise met face à face plusieurs partenaires également légitimes; le caractère licite des conflits; le deir de négocier.
Bien que ce mouvement n'ait pas été sans équivalent à l'étranger, le cas français est remarquable pour les circonstances historiques particulières qui l'ont proqué ou accomné. Avec pour détonateurs les événements de 1936 et ceux de la Deuxième Guerre mondiale, les facteurs politiques ont occupé le premier rang. Sur ces bases et par le fait d'une formidable conjonction, tout un ensemble de forces se sont alignées pour inventer la « forme française moderne de l'entreprise» : l'affirmation du mouvement ouvrier, face à un «mouvement patronal» lui-même transformé; l'explosion du rôle de l'Etat et du droit social dans les affaires industrielles; les reclassements idéologiques consécutifs aux années de guerre et d'occupation ; la reconstruction du pays et la nouvelle donne économique de la Libération. Chaque pièce du puzzle n'est pas de même nature. A les reprendre une par une, on it que l'arrivée à maturité du mouvement syndica! a occupé une place à part : plutôt qu'un élément parmi d'autres à l'intérieur de ce grand mouvement de recomposition de l'ordre industriel, elle a été la donnée centrale autour de laquelle tout le reste a tourné.
La Confédération générale du travail, créée en 1895, avait dès l'origine beaucoup fait pour révéler la classe ouvrière à elle-même. Toutefois, le moins qu'on puisse dire est qu'avant 1936, elle n'avait pas permis au mouvement syndical français de trouver ses marques. Très vite ballottée par les disputes entre les fractions anarcho-syndicales, marxistes et réformistes, elle était allée de crise en crise. Parallèlement à la constitution d'une Centrale chrétienne (la Confédération française des travailleurs chrétiens, née en 1919), les événements de Russie et la création en France d'un parti communiste (1920) s'étaient soldées dès 1921 par une scission interne immédiatement sanctionnée sur le terrain : quinze années de séparation entre la C.G.T. (ramenée à sa composante «réformiste») et la C.G.T.U. (l'organisation rivale «unifiée» de tendance rélutionnaire) vidèrent les syndicats jusqu'à les rendre totalement exsangues. Le rassemblement de 1936 et les événements du Front populaire, qui annonçaient l'avenir, allaient inverser d'un coup la tendance. Il n'empêche que sur le moment, ils ne furent en eux-mêmes qu'un feu de paille, très vile suivi de nouveaux conflits et d'une nouvelle dépression !
Après la guerre, tout fut à la fois semblable et différent. Le syndicalisme français ne devait pas larder à plonger de nouveau dans les turbulences politiques. En 1947-48, une nouvelle scission donna naissance à la C.G.T.-Force Ouvrière, récusant l'hégémonie des militants communistes sur la vieille centrale. N'élait-ce qu'un recommencement? Non, car les événements des années antérieures avaient totalement transformé le décor. Dissoutes en août 1940 par le régime de Vichy, les organisations confédérées avaient passé la période de l'Occupation dans la clandestinité, ce qui leur valut après la Libération une légitimité politique inable avec celle qui leur avait été reconnue auparavant. C'est ainsi que, malgré une situation confirmée de politisation et de division (tempérée par la position d'une C.G.T. restée très largement dominante), le syndicalisme français est alors entré dans une longue période d'essor institutionnel. Il a consolidé son image et fait la preuve de sa représentativité, en tirant parti de son identification à ceux qui étaient devenus alors la «ure emblématique de la classe ouvrière » : les ouvriers des grandes entreprises métallurgiques et minières. Tant vis-à-vis du patronat que des pouirs publics, il s'est imposé comme un acteur à part entière de la vie industrielle nationale.
Toutes choses égales par ailleurs, le patronat a lui-même connu une élution symétrique. En 1919 avait été créée une première organisation patronale fédératrice, la Confédération générale de la production française, qui ne devait pas laisser que de bons souvenirs. A côté de l'U.I.M.M. (Union nationale des industries métallurgiques et minières), la fameuse structure professionnelle dont s'étaient dotés dès le début du siècle les industriels du «Comité des forges», la C.G.P.F. faisait piètre ure : organisation faible, n'ayant cation qu'à traiter des questions économiques, elle n'allait pas se relever de son engagement forcé et contesté dans la négociation des accords sociaux de 1936. Sa dissolution, décidée en 1940 par le régime de Vichy au même titre que celle des confédérations ouvrières, ne fut de ce point de vue qu'un demi-malheur : elle évita aux groupements patronaux les compromissions de ces mauvaises années, et elle leur permit de repartir sur des bases neuves en 1945-46. C'est alors que fut constitué l'actuel C.N.P.F., le Conseil national du patronat français. Appelé à ouvrer pour la remise en marche du pays, celui-ci allait découvrir sa puissance, mais comprendre en même temps que les temps avaient changé.
On a beaucoup dit que le C.N.P.F. de cette époque était resté «un groupe de pression conservateur» (Weber, 1986, pp. 81-l06). Il ne fallait certes pas s'attendre à ce que la nouvelle organisation patronale fasse le jeu de ses partenaires ouvriers, et pas davantage celui des pouirs publics, particulièrement soupçonnés à la Libération de uloir restreindre la liberté de manouvre des entrepreneurs. Mais au fil des années et en raison même des relents de paternalisme qui se manifestaient un peu partout, la vérité est que l'existence du C.N.P.F. a contribué alors à clarifier le jeu et à redéfinir le paysage économique et social du pays.
C'est dans ces conditions de réévaluation respective des forces syndicales et patronales qu'on a vu s'ébaucher le nouvel ordre industriel des années cinquante et soixante. La question de l'entreprise s'est retrouvée au croisement de deux logiques étrangères l'une à l'autre, mais qui ne devaient pas se révéler totalement inconciliables. Le souci quasi exclusif du C.N.P.F. était en effet qu'il ne soit pas porté atteinte au principe de la «libre entreprise» et que la responsabilité économique de l'entrepreneur privé soit intégralement sauvegardée. Du côté du mouvement ouvrier, l'heure n'était pas à la subversion du système : on affichait essentiellement la lonté d'affirmer l'autorité des syndicats sur le monde du travail et de promouir les libertés syndicales dans l'entreprise. La ie d'un compromis existait : elle conciliait la conception la plus orthodoxe de l'«entreprise propriété privée» avec la reconnaissance que l'entreprise pouvait faire l'objet d'un partage de compétences entre les détenteurs de la légitimité économique (les patrons) et les détenteurs de la légitimité sociale (les syndicats, représentants des intérêts des salariés). Pour marquer la différence avec la tradition paternaliste, on peut parler d'un compromis de type «patrimonial».
Une déclaration commune de juillet 1946 résume ce dont il s'agit : «la C.G.T. ne conteste pas l'autorité du chef d'entreprise, de même que le C.N.P.F. ne conteste pas l'exercice des libertés syndicales» (cité par Weber, 1986, p. 95). Le caractère élémentaire de la formule ne doit pas masquer l'importance de l'élution dont elle témoigne : au lieu de se disputer le territoire de l'entreprise et de s'affronter sur son devenir (l'institution sociale, les partenaires-adversaires se font en quelque sorte l'amabilité d'une répartition des rôles. Les syndicats choisissent de consolider le camp des salariés et renoncent à investir le terrain de l'entreprise (d'où les patrons-propriétaires se seraient d'ailleurs empressés de les expulser); les patrons, occupés à défendre leur condition d'entrepreneurs libres, affichent pour leur part leur intention de cohabiter avec leur partenaire, c'est-à-dire de ne pas abuser de leurs prérogatives historiques de «maitres de maison».
Au-delà de l'aspect tactique des choses, le compromis a bien pour portée de mettre hors-jeu la conception paternaliste de l'entreprise. Il précise le champ d'initiative de l'employeur : tandis que la partie ouvrière reconnait que le patron est bien «chez lui» dans l'entreprise, au sens qu'il est libre d'y faire fructifier son capital selon les ies qui lui semblent les plus adéquates, le patronat admet de son côté que le sort des salariés de l'entreprise ne relève pas naturellement de l'autorité patrimoniale. Bien entendu, ceci ne signifie pas que les employeurs sont prêts à abandonner toute autorité sur leur personnel : pour se faire respecter, au minimum peuvent-ils s'appuyer sur le contrat de travail et sur les règles de base du droit social! Mais ce type d'autorité n'a plus rien à ir avec l'autorité sociale discrétionnaire que croyait pouir s'attribuer le patron de la tradition paternaliste en vertu de l'«appartenance» des salariés à l'entreprise. A proprement parler, les salariés n'appartiennent plus à l'entreprise. Celle-ci est le lieu de la rencontre entre des partenaires supposés indépendants les uns des autres.
Est-ce assez pour parler de recomposition de l'ordre industriel? On peut peser le pour et le contre, en constatant que ce troc des libertés dit tout à la fois le droit d'être capitaliste et le deir de ne pas en abuser. A propos du contexte français de l'après-guerre, l'évidence est aussi que ceci n'a donné lieu à aucune conversion spontanée des milieux patronaux, restés dans l'ensemble très attachés à la plénitude de leur autorité et très méfiants à l'égard de toute manifestation d'un contre-pouir syndical. Nous faisons néanmoins l'hypothèse qu'un «progrès» est passé par là, non sans soulever un problème nouveau et considérable : si le nouveau compromis faisait que chacun travaillait pour son camp, que devenait la «maison-entreprise»? Etait-il tenable que l'entreprise, considérée comme institution sociale, ne soit plus ni pensée ni portée par personne? Ce problème, qui n'a été que rarement affronté de face en France, n'en a pas moins été sous-jacent à tous les débals auxquels a donné lieu l'élution des relations industrielles au cours de la seconde moitié du siècle.



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