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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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Les limites de la critique libérale de rousseau : sieyès héritier paradoxal de la doctrine de la volonté générale

La critique de Constant doit donc AStre singulièrement relativisée. Nous en ulons donner pour preuve le fait que la doctrine rousseauiste de la lonté générale n'est pas absente, bien au contraire, de la théorie libérale de la représentation telle qu'elle est élaborée par la Constituante de 1789, en particulier par Sieyès, et inscrite dans la Constitution de 1791. L'affirmation paraitra paradoxale : nous ans dit, en effet, pourquoi le Contrat social excluait, avec l'idée que la souveraineté est inaliénable, toute possibilité de représentation de cette souveraineté. Sans doute Rousseau devait-il faire une exception, face au problème classique posé par les - grands pays -; mais la représentation qu'il acceptait de réintroduire était, comme on sait, assortie d'un - mandat impératif - par lequel les représentants se trouvaient très étroitement dépendants de ceux qu'ils représentent2. Or on peut dire que la doctrine libérale de la représentation nationale constitue A  première vue l'opposé le plus parfait du rousseauisme parce qu'elle est tout entière destinée A  en finir avec cette représentation-mandat en laquelle elle it ' autre archaïsme de Rousseau A  ses yeux ' un pur résidu de l'Ancien Régime. Comment, dans ces conditions, la doctrine de la lonté générale pourrait-elle s'y retrouver ?
Rappelons d'abord1 que le député d'Ancien Régime, lié par un mandat impératif, n'est pas considéré comme ayant une lonté autonome mais il n'est, A  proprement parler, que le représentant ou, pourrait-on dire, l'ambassadeur du bailliage ou de l'ordre particulier qui l'a élu. Cette conception de la représentation signifie, d'une part, que la représentation est liée A  des intérASts particuliers (ce qui s'oppose A  l'idée moderne que le député représente la nation tout entière), d'autre part, que l'acte de représentation n'est pas tenu pour un fait individuel (le te s'effectuant en principe par ordre, et, au sein de l'assemblée de chaque ordre, par bailliage). De lA  le fait que, dans l'Ancien Régime, la représentation ne puisse AStre vérilement considérée comme participant de la souveraineté, mais se limite A  une fonction consultative.
Or, c'est cette conception de la représentation qu'entend anéantir la doctrine sieyessienne de la souveraineté nationale. Très schéma-tiquement, on peut dire qu'elle s'oppose sur trois points A  l'idée de mandat :
Tout d'abord, et c'est lA  peut-AStre l'essentiel, le représentant ne doit plus AStre le simple représentant du groupe particulier qui l'a élu, mais il représente la nation tout entière, conA§ue, selon le mot de Sieyès, non - comme une collection d'Etats -, mais comme - un tout unique composé de parties intégrantes -. Ce qui sous-tend cette nouvelle vision de la représentation, c'est bien évidemment l'émergence de l'idée de nation, indissolublement liée qu'elle est A  celle de l'individualisme : le pays, la nation, n'est plus pensé comme une hiérarchie d'ordres différents par nature, mais bien comme une entité abstraite comprenant en elle une multitude d'individus égaux. Au sein de l'Assemblée législative, le te s'effectuera donc par tASte et non par ordre, et, d'après la Constitution de 1791, les députés élus dans les départements ne seront plus considérés pour autant comme élus par les départements (lesquels deviennent d'ailleurs de simples circonscriptions administratives) : - Les représentants nommés dans les départements ne seront pas représentants d'un département particulier mais de la nation tout entière. -
La représentation cesse donc d'AStre un mandat, et le représentant accédant au statut d'individu doué de liberté cesse d'AStre le simple élément d'un ordre qui l'englobe pour acquérir une lonté propre : le député moderne n'est, d'un point de vue juridique du moins, lié dans sa lonté législative par aucun engagement. Par suite également, la représentation cesse d'AStre purement consultative : bien plus, elle devient par excellence le lieu de la souveraineté, puisque c'est en et par elle que se dégage la lonté nationale qui n'existe pas avant le corps législatif, mais seulement après et par lui. Il semble donc, A  se borner mASme A  ces quelques indications succinctes, que nous soyons bien, avec la doctrine libérale de la représentation nationale, aux antipodes, non seulement de la représentation d'Ancien Régime, mais bien aussi du Contrat socialpuisque la souveraineté est soustraite au peuple pour basculer intégralement du côté d'une assemblée de représentants, déliés de tout mandat impératif, et, qui plus est, élus au suffrage censitaire1 !
Pourtant, si l'on examine plus précisément les raisons pour lesquelles les théoriciens de la représentation nationale en viennent A  rejeter le mandat impératif, on percevra qu'elles reprennent sur plus d'un point la théorie rousseauiste de la lonté générale : A  vrai dire, elles conservent mASme intégralement cette doctrine A  ceci près qu'elle ne vaut plus pour le peuple tout entier mais seulement pour l'Assemblée législative. La différence ne saurait évidemment AStre minimisée. Mais dès lors qu'il faut admettre la nécessité de représentants (et Rousseau lui-mASme, on l'a dit, reconnait cette nécessité pour les grands pays), on peut penser que la doctrine de la représentation nationale correspond davantage A  la conception rousseauiste de la lonté générale que ne le fait la doctrine du mandat impératif.
C'est lA  ce qui transparait clairement dans l'important débat qui oppose le 7 septembre 1789 Sieyès A  des défenseurs du mandat impératif tels que Pétion de Villeneuve1. Ce dernier adopte au sujet du problème de la représentation une attitude apparemment fidèle A  la lettre des textes de Rousseau : affirmant que - le dernier degré de perfection politique - consisterait dans la participation directe des individus A  la formation de la lonté générale, il n'accepte qu'A  contrecour, comme une chute hors de l'idéal, la nécessité de la représentation2 et corrige cette chute en soumettant le représentant aux exigences du mandat impératif.
Or, ce qui est frappant dans la réponse de Sieyès, c'est qu'elle s'effectue, elle aussi, au nom d'une logique rousseauiste : si l'on admet par hypothèse la nécessité de représentants (et Sieyès est évidemment convaincu de l'impossibilité de la démocratie directe ; mais Rousseau ne l'était-il pas lui-mASme ?), il est aisé de ir qu'en les soumettant au mandat impératif, il sera impossible A  jamais de parvenir A  dégager quelque chose comme une lonté générale. Lier la représentation au mandat, ce serait en effet admettre que les représentants défendent les intérASts de groupes particuliers, mais en plus qu'ils expriment des lontés qui ne sont, selon l'argumentation développée par Rousseau au chapitre III du livre II du Contrat social, générales que par rapport A  leur groupe, mais particulières par rapport A  l'ensemble de la société ou, pour parler comme Sieyès, de la Nation. Or nous ans vu comment la thèse centrale du Contrat social était que la lonté générale ne pouvait se former que si elle émanait de lontés absolument particulières (de - quantités infinitésimales -), d'individus eux aussi absolument mona-diques, et que s'il se formait des - brigues - et des - associations - au sein de l'Assemblée législative, c'en était fini de la lonté générale. Liée A  un mandat, la représentation ne saurait AStre regardée comme une quantité infinitésimale, ni le représentant comme un individu autonome et libre. A ceux qui défendent le mandat impératif, Sieyès rappelle donc qu'ils ne peuvent eux-mASmes - uloir qu'un député de tous les citoyens du royaume écoute le vou des seuls habitants d'un bailliage ou d'une municipalité comme la lonté de la nation entière - ' ce qui implique que l'on renonce au mandat impératif. Comme l'écrit fort bien Carré de Malberg, qui signale A  juste titre l'inspiration paradoxalement rousseauiste de Sieyès : - La lonté générale qui forme l'expression de la souveraineté ne peut s'entendre comme une somme de lontés particulières, émanant de chacun des bailliages ; mais cette lonté générale participe elle-mASme de l'unité et de l'indivisibilité de la nation -l. Rousseau disait-il autre chose ? L'introduction de la représentation dans le cadre du Contrat social ne conduit donc pas nécessairement A  renoncer A  la théorie de la lonté générale : celle-ci est plutôt déplacée du peuple vers l'Assemblée législative, désormais distincte de lui ' ce pourquoi cette Assemblée, conformément encore A  une logique rousseauiste, est le vérile lieu de la souveraineté, tandis que l'élection des représentants se it reléguée au statut d'une simple fonction.
Nous yons donc en quel sens on peut dire que la notion de lonté générale survit hors des cadres qui sont ceux du Contrat social, en l'occurrence dans un lieu théorique, le libéralisme, qui aurait pu lui sembler a priori tout A  fait hostile. Certes, elle n'est plus l'émanation du peuple tout entier, mais seulement de ses représentants. Une double division, inscrite en filigrane dans l'échec du Contrat social A  particulariser la lonté générale du côté de sa source (législateur) comme de son application (gouvernement), est maintenant clairement prise en compte : le peuple est divisé, sinon en droit, du moins en fait (en citoyens actifs et citoyens passifs, puis en représentants et représentés2) ; et la société elle-mASme, par son autonomie propre, se différencie de l'Etat, comme le privé du public. Par suite, et telle est sans doute la grande différence avec le Contrat social, la lonté générale, dont la structure logique (ou mathématique) reste pourtant identique, devient, au sens kantien, une Idée, du fait mASme de la prise en compte de ces divisions. Si, comme nous l'ans suggéré, la thématisation des divisions est le fait des théories politiques modernes, on pourra dire que celles-ci dépassent et conservent tout A  la fois l'héritage rousseauiste du jusnaturalisme. Il nous faut donc encore examiner, pour conclure ce chapitre, comment se mettent en place, face A  la reconnaissance de la division majeure de la société et de l'Etat ' avec sa conséquence : la transformation de la lonté générale en Idée ', les principes fondamentaux des théories politiques modernes. C'est A  notre sens dans le cadre de la philosophie kantienne que s'effectue le passage du droit naturel A  la théorie politique.



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