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DROIT

Le droit est l'ensemble des règles générales et abstraites indiquant ce qui doit être fait dans un cas donné, édictées ou reconnues par un organe officiel, régissant l'organisation et le déroulement des relations sociales et dont le respect est en principe assuré par des moyens de contrainte organisés par l'État.


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L'équivoque fondamentale de la référence démocratique

Qu'est-ce donc qui continue d'animer l'opposition entre deux camps, lors mASme que, sachant, de chaque côté, réfléchir sur sa propre tradition, on parvient A  s'accorder ac l'autre camp sur les valeurs de la démocratie pluraliste ? Formulons d'emblée l'hypothèse qui nous semble A  cet égard devoir AStre testée, notamment ' nous rrons comment ' par une analyse du discours, peut-AStre singulièrement hétérogène, sur les droits de l'homme : pour des raisons qu'il va falloir clarifier et qui sont en réalité profondément philosophiques, et non pas seulement affectis ou historiques (mASme si elles le sont aussi), le libéralisme ne peut aisément intégrer dans son horizon politique la prise en compte des masses et de leur moderne pouvoir politique et le socialisme a les plus grandes difficultés A  penser le droit comme constituant en lui-mASme une valeur propre.
Ainsi énoncées, ces affirmations font évidemment ure soit de truismes redoules, soit d'absurdités manifestes ; il appartiendra A  la suite de cet essai de montrer qu'il y a pourtant lA  un réel problème. Nous nous bornerons, pour l'heure, A  fournir quelques indices de ce qui devrait apparaitre comme une double et symétrique mutilation intellectuelle, et peut-AStre comme la racine du clivage maintenu entre des discours pour lesquels les valeurs démocratiques sont pourtant une référence commune.
Du côté du libéralisme, on ne peut pas ne pas AStre frappé, A  la lecture de l'actuelle Bible de la pensée prétendument néo-libérale, par les réticences que manifeste Hayek, dans le dernier volume de Droit, législation et liberté, vis-A -vis de l'idée de démocratie entendue comme gournement d'une organisation par la volonté de la majorité de ses membres : si la démocratie doit AStre la définition d'une politique fondée sur - la volonté du plus grand nombre -, sans autre précision, il faut- admettre franchement-, reconnait Hayek, que- je ne suis pas un démocrate -*. Nous n'entrerons pas, pour l'instant, dans le détail des argumentations hayékiennes, sur lesquelles nous reviendrons lorsqu'il s'agira d'examiner les problèmes posés par l'interprétation libérale de la souraineté du peuple : il s'agit ici, simplement, de noter qu'A  lire Hayek on est contraint d'enregistrer que l'adhésion A  l'idéal démocratique ' que certes - il faut défendre - ' se pondère, du côté du libéralisme, d'une remise en question de l'équivalence entre démocratie et gournement de la majorité. Plus précisément : la conviction apparait clairement chez Hayek que la réalisation de l'idéal démocratique (entendu comme celui d'un gournement en vue de l'intérASt commun) ne trou pas sa meilleure garantie dans la fondation de l'autorité politique sur la volonté du plus grand nombre, laquelle volonté n'est en effet pas nécessairement ordonnée A  l'intérASt commun, mais peut coaliser une multiplicité hétéroclite d'intérASts particuliers. En conséquence, il faudrait avoir le courage de demander, écrit explicitement Hayek, qui sont les - membres - dont il est légitime de considérer qu'ils ont - voix au chapitre pour conduire l'organisation ou décider des objectifs qu'elle poursuivra -. On dira peut-AStre que cette réticence élitiste au pouvoir des masses est propre A  l'extrémisme hayékien, lequel, comme on sait, a pour le moins une conception singulière de l'élection des représentants ' savoir un choix par tranches d'age et selon des modalités telles que la moyenne d'age des représentants soit de cinquante-deux ans et demi ! Toutefois, audelA  d'une tendance marquée A  confondre démocratie et gérontocratie, les réflexions déloppées par Hayek manifestent en fait une caractéristique traditionnelle de la réinterprétation libérale des principes de 1789 ' qui, dès Constant et peut-AStre mASme Tocqueville, consiste bien A  redéfinir de faA§on limitati les modalités de la souraineté du peuple. On rra ainsi comment et pourquoi Constant, tout en reconnaissant le principe de la souraineté du peuple comme fondement de toute autorité politique légitime, a entrepris de justifier le suffrage censitaire et mASme, au printemps 1815, de l'inscrire dans l'Acte additionnel aux constitutions de l'Empire qu'il rédigea sur la demande de Napoléon lors du retour de l'ile d'Elbe : en mASme temps qu'elle reprenait les dispositions élies depuis l'an X et faisait des seuls citoyens les plus imposés les membres des collèges électoraux1, la constitution de Constant, la - Benjamine -, se gardait de mentionner parmi les - droits des citoyens - énumérés sous le titre VI un quelconque droit de - concourir A  la formation de la loi -2 ; et l'on sait comment, d'une manière générale, Constant ne cessa de soutenir que, si tous les membres de la société ont droit de jouir de la liberté, il ne s'ensuit pas pour autant que tous aient également droit de prendre une part acti A  la décision politique3 : bref, si les citoyens restent - égaux devant la loi -, ils ne sont plus égaux quant au droit de nommer les représentants du peuple et donc de participer A  la - formation de la loi -. Est-il besoin en outre de rappeler comment Tocqueville, tout en faisant de la révolution démocratique un élément décisif et - irrésistible - du progrès de l'humanité, évoque, en des textes célèbres, les périls d'un gournement où le peuple règne (la tyrannie de la majorité, l'exacerbation des passions égoïstes, la disparition de l'individu - au milieu de l'obscurité commune -, etc.) ? Que ce soit chez Constant ou chez Tocqueville, l'interprétation libérale de l'idée démocratique témoigne on ne peut plus clairement d'une incontesle réser A  l'égard de ce qui constitue sans doute l'événement politique majeur de l'histoire contemporaine : /'irruption des masses et de leurs exigences sur la scène politique. C'est dans la perspecti d'une telle réser qu'il faudra prASter attention au discours sur la question du droit au travail prononcé par Tocqueville le 12 septembre 1848 : la rendication des socialistes en faur du droit au travail y est en effet dénoncée comme procédant de leur tendance constante A  natter - les passions naturelles de l'homme - et A  donner pour seul but au système social l'obtention par tous d'une possibilité de - consommation illimitée - ' condamnation significati d'une relation critique A  l'égard de la démocratie, ou du moins de certaines de ses pentes : le socialisme est ici lu comme ne faisant en quelque sorte qu'accentuer une mauvaise pente du régime démocratique, celle par laquelle le principe de la souraineté du peuple risque de se transformer en despotisme irraisonné des masses. Entre cette critique tocquevillienne, sur les fondements et la portée de laquelle nous reviendrons, et la contemporaine critique - néolibérale - de l'idée de justice sociale, il y a une certaine continuité, et en ce sens le neo-libéralisme d'Hayek et de l'Ecole de Chicago2 ne témoigne de nulle vérile nouauté : l'histoire intellectuelle du libéralisme semble en fait s'AStre ée en 1848, lors de la seconde grande poussée ' A  laquelle, d'une certaine manière, il résiste ' qui conduit les exigences des masses A  prendre place sur la scène politique, et la rsion libérale de la référence aux valeurs démocratiques parait s'AStre alors définitiment fixée, selon une pratique de la référence aux droits de l'homme dont nous préciserons les modalités, mais en tout cas sur des positions qui consistent toujours, peu ou prou, A  distinguer le principe de la souraineté du peuple et la satisfaction des exigences des masses.
Du côté de la tradition socialiste, on constate, disions-nous, une réticence tout aussi congénitale A  l'égard, cette fois, des exigences du droit. Essentiellement en raison des schèmes historicistes que la pensée socialiste, notamment sous l'influence du marxisme, charrie toujours, plus ou moins, ac elle, il lui reste apparemment très difficile de conférer aux normes juridiques un minimum d'autonomie tant par rapport au politique que, plus généralement, par rapport au processus historique dont le denir politique n'est lui-mASme qu'une expression : la référence juridique en est le plus sount dévaluée, ' puisque, aussi bien, si l'ordre des valeurs est rabattu sur l'ordre (historique, donc variable) des faits, le droit apparait ne s'opposer au fait que selon une fiction, voire une mystification qui contribuent, bien sûr, A  la perpétuation du fait1. On sait quelles conséquences résultent, selon H. Arendt, d'une telle dévalorisation historiciste du droit : si la vérité du juridique se situe dans un processus historique qu'il ne fait que refléter, le droit ainsi relativisé ' non seulement les lois positis, mais aussi la notion d'un droit naturel de l'homme comme tel ' perd de son autorité et la transgression en devient pour ainsi dire légitime au nom d'une anticipation possible sur ce moument de l'histoire dont le droit ne fait qu'exprimer, en le pétrifiant, un simple moment2. Il ne s'agit pas, certes, de prétendre ici que la pensée socialiste soit vouée A  suivre toujours jusqu'au bout cette pente inhérente A  l'historicisme et donc A  en reproduire tous les effets perrs : il n'en demeure pas moins difficilement contesle que la référence au droit et notamment aux valeurs démocratiques qu'exprimait, dans les Déclarations, la proclamation des libertés fondamentales, n'obtient pas aisément, dans la tradition socialiste, une vérile consistance ' cela pour des raisons en grande partie intellectuelles ou, si l'on préfère, idéologiques. On se bornera pour l'instant A  évoquer l'exemple significatif de L. Blum, en qui l'on croit si sount trour l'un des pères d'un socialisme réellement démocratique : lors de son discours du 27 décembre 1920 au Congrès de Tours, l'adrsaire des partisans de l'adhésion A  la IIIe Internationale (communiste) n'hésitait pourtant pas A  affirmer son accord ac eux sur la question de la dictature du prolétariat ' allant mASme jusqu'A  préciser : - Je ne pense pas, bien que Marx l'ait écrit, que la dictature du prolétariat soit tenue de conserr une forme démocratique L'essence mASme d'une dictature est la suppression de toute prescription constitutionnelle w1. Et il serait facile de montrer comment Blum, en accord ac la majorité de son parti, n'a cessé, tout en dénonA§ant la perpétuation soviétique d'un régime de tyrannie, de reconnaitre qu'en dépit de ces méthodes répressis de gournement l'identité des buts poursuivis (le changement du régime de la propriété) rendait possible une solidarité entre les socialistes et les défenseurs du système bolchevique. Nicole Racine, qui a souligné cette constante, a très clairement indiqué comment des raisons historiques ont interdit au point de vue critique A  l'égard de l'expérience soviétique et de la privation totale des droits qui la définit ' point de vue certes représenté dans le Parti socialiste de l'entre-deux-guerres ' de l'emporter sur la thèse de la solidarité maintenue ac I'urss : A  partir du pacte d'unité d'action contre le fascisme signé entre le pc et le ps (27 juillet 1934), les deux partis s'efforcèrent de satisfaire A  l'engagement de s'abstenir réciproquement d'attaques et de critiques ; après la signature du pacte franco-soviétique (mai 1935), la majorité du ps défendit inconditionnellement I'urss : le débat sur la violation soviétique des valeurs démocratiques, que Blum continuera bien A  déplorer2, passait au second dès lors que s'imposaient les exigences ' bientôt impératis, puisque la question de l'exercice du pouvoir se posait ' de la tactique unitaire3. On conviendra que cette analyse pourrait aisément AStre poursuivie A  l'égard de la rsion plus immédiatement contemporaine de cette tactique unitaire : ainsi que l'a en effet esquissé C. Lefort1, alors mASme que - l'expérience du totalitarisme enseigne que la destruction de la démocratie formelle a coïncidé ac celle de la démocratie comme telle -, cet enseignement est très largement resté - l'impensé de l'Union de la Gauche -, dans l'exacte mesure où, pour tirer les leA§ons de cette négation des droits individuels et collectifs, il aurait fallu rompre radicalement ac la problématique marxiste du dépassement des libertés formelles ; une telle rupture, requérant un examen sans concessions de l'idéologie du pc et de sa vocation totalitaire, était en fait difficilement compatible, du moins publiquement, ac les impératifs d'une union électorale. Encore faut-il préciser que, si l'adoption historique d'une telle stratégie politique est certes nue s'ajouter A  des raisons profondément intellectuelles pour faire passer A  l'arrière- la considération du droit, ces raisons intellectuelles étaient en elles-mASmes, sinon suffisantes, du moins nécessaires : comment l'unité d'action, mASme tactique, ac un parti perA§u comme le complice d'un monstrueux sacrifice du droit2, eût-elle en effet été simplement concevable hors d'un homon où la référence juridique était, de toute faA§on, dévaluée au profit de la considération des fins ultimes de l'histoire ? Toujours est-il que c'est ce double héritage ' intellectuel et stratégique ' qui continue de peser lourdement sur une tradition socialiste au sein de laquelle la valorisation des droits formels est toujours susceptible de céder le pas A  l'évaluation des rapports de force3.
Il est dès lors permis de se demander si chacune des deux grandes traditions dont l'affrontement définit l'essentiel du débat politique ne présente pas, de faA§on congénitale, très exactement l'insuffisance qui exclut tout - compromis possible - ac son autre : auglement congénital de la tradition socialiste A  l'égard de la portée proprement démocratique des droits les plus formels, réticence congénitale de la tradition libérale A  prendre en compte certaines des exigences (notamment en matière de justice sociale) que semble véhiculer ac elle l'affirmation de la souraineté du peuple ' tout indique que, A  partir de la commune référence aux valeurs démocratiques, deux interprétations s'en sont construites, deux lectures, exclusis l'une de l'autre, s'en sont dégagées pour privilégier, l'une, les valeurs de la justice sociale, l'autre, les garanties formelles de la liberté. Si le fait est évident (donc si le rappeler peut paraitre banal), le problème ' répétons-le ' n'en est pas moins réel : la référence commune A  la tradition démocratique et aux Déclarations qui, depuis la fin du xvine siècle, ont proclamé les droits constitutifs de la personne humaine ne peut alors que masquer un clivage très profond, apparemment irréductible ; en ce sens, l'idée démocratique souffre d'une indétermination, voire d'une équivoque qui explique pourquoi le consensus sur les valeurs de la démocratie dissimule mal des dissensus bien réels. C'est donc aux racines de cette équivoque qu'il conviendrait de remonter, en tentant d'apercevoir comment le discours des droits de l'homme a pu, dans son histoire, laisser s'introduire cette ambiguïté. Or, de ce point de vue, le meilleur révélateur d'une telle ambiguïté ' et ce qui devrait permettre d'en apprécier le plus clairement la nature ' se trou sans doute dans la faA§on dont l'histoire des Déclarations a progressiment confondu, parmi les droits de l'homme, deux types de droits fondamentalement différents : les droits-libertés et les droits-créances.



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